[30/03/2020]    

En Afrique, «?la volonté de lutter contre la propagation du coronavirus est bien là?»
Entretien Pour Laurent Arnulf, de la société de service International SOS (1), certains pays africains ont une bonne approche de la lutte contre le Covid-19. Beaucoup ne seront cependant pas forcément capables de faire face à la grande vague de l’épidémie.

Recueilli par Agnès Rotivel,



La Croix : Votre organisation fournit une expertise aux entreprises pour protéger leurs expatriés, les voyageurs d’affaires et leurs salariés intervenant en Afrique. Quelle analyse faites-vous de la situation sur le continent, où l’épidémie de Covid-19 commence à se répandre et où le pire est prédit ?




Docteur Laurent Arnulf : Il est difficile de parler du « continent africain » en général. Avec ses 55 pays, sa population de 1,2 milliard d’habitants. Il existe des diversités de répartitions de la population avec des zones très peuplées comme la ville de Lagos, au Nigeria, et d’autres qui le sont bien moins, comme dans les pays du Sahel.


Le coronavirus a été importé tardivement sur le continent, il a démarré moins rapidement qu’en Chine ou en Europe, mais on voit que le nombre des pays infectés se multiplie. Dans certaines villes très peuplées, dans les townships en Afrique du sud où la promiscuité est grande, le virus se répandra rapidement. La volonté de lutter contre sa propagation est bien là, mais beaucoup ne seront pas forcément capables de faire face à la grande vague de l’épidémie.

Les pays ayant connu la crise du virus Ebola - Sierra Léone, Guinée et Liberia - sont-ils mieux préparés à affronter la crise du coronavirus ?

L.A : Un pays comme le Liberia a, de façon surprenante, plutôt bien géré la crise d’Ebola. Le Nigeria a su aussi prendre les mesures appropriées d’identification et d’isolement immédiats lors de l’importation dans ses frontières de cas en provenance du Liberia. Ces pays sont donc sans doute un peu mieux préparés à affronter une épidémie, mais l’importance et la rapidité de la transmission directe interhumaine du coronavirus risque de bouleverser la donne.

Plus généralement, nombre d’Africains sont à l’écoute, ils regardent ce qui se passe ailleurs, et apprennent de ce qui s’est d’abord passé en Chine et de ce qui arrive, en ce moment, en Europe.

Certaines préconisations, comme le confinement à la maison, ne relèvent-elles pas d’une gageure en Afrique ?

L.A : La distanciation sociale n’est pas dans la tradition des Africains, au contraire. Et dans la plupart des situations, notamment dans les villages, le confinement à la maison est quasi impossible. Mais certaines mesures barrières sont déjà adoptées. Au Tchad, dans la capitale N’Djamena, au sein même des autorités, on se salue en respectant une distance d’au moins un mètre, et les conseils d’hygiène sont très largement compris et respectés.

Et en Mauritanie, où le premier cas de Covid-19 a été importé par un Australien ayant fait un séjour en Italie, plusieurs personnes ont été très rapidement mises en confinement, et le gouvernement a rapidement décidé la fermeture des écoles, du trafic aérien, l’interdiction totale de tous les rassemblements, la fermeture des restaurants et cafés. Il a imposé un couvre-feu. Beaucoup d’autres ont pris des mesures drastiques, comme l’Afrique du Sud.


Il faut espérer que les pays africains se mettent vite d’accord pour fermer les écoles, les universités, et sans doute leurs frontières. Ce n’est pas évident à mettre en place, et encore moins en Afrique du fait de la longueur et de la porosité de certaines frontières.

Dans la plupart de ces pays, les messages sur les mesures de protection sont transmis par la radio et les réseaux sociaux. Présent dans de très nombreux pays Africains, International SOS aide gouvernements et ONG locales en fournissant de petits guides et des affiches utiles pour la diffusion des recommandations, de protocoles pour le dépistage et la prise en charge des patients, comme ce fut le cas au Liberia pour Ebola, mais aussi en formant des professionnels de santé locaux, publics ou privés, comme nous le faisons au Mozambique.


Beaucoup, en Occident, redoutent une crise humanitaire de grande ampleur sur le continent, qu’en pensez-vous ?

L. À : Je ne pense pas qu’il faille sombrer par avance dans le catastrophisme outrancier. Comme les populations africaines sont jeunes, peut-être pouvons-nous espérer que beaucoup de formes du Covid-19 resteront asymptomatiques ou peu sévères. Toutefois, sans angélisme non plus, cette maladie viendra s’ajouter sur le continent à des situations sanitaires déjà difficiles dans certains pays, voire aux crises humanitaires et économiques déjà existantes.


Peut-on redouter que l’épidémie sur le continent africain, si elle n’est pas jugulée, soit une menace pour l’Europe, et faut-il l’aider ?

L.A : Il est vraisemblable que l’Afrique, comme le reste du monde, subisse plusieurs vagues de cette pandémie qui, si elle n’est pas jugulée, pourrait en retour « recontaminer » les autres continents. L’enjeu, le moment venu, sera d’essayer d’étaler ces vagues le plus possible, pour ne pas saturer les services de santé de ces pays, et pour donner aux États le temps de trouver et de rendre disponible un vaccin contre le Covid-19.


Mais la lutte contre la pandémie de Covid-19 en Afrique sera d’autant plus efficace que les pays seront développés et stables. L’aide au développement, cruciale pour le moyen et le long terme, est peut-être encore plus importante en ce moment pour aider certains pays à passer à travers la pandémie. Cette aide doit se faire à travers les organisations gouvernementales, internationales, et non gouvernementales reconnues et déjà présentes sur place, afin d’éviter un certain amateurisme, bourré de bonnes intentions mais dont ces pays n’ont pas besoin.

(1) Directeur médical pour l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient chez International SOS, une organisation créé en 1985 par deux Français?: docteur Pascal Rey-Herme et Arnaud Vaissié.

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