[26/11/2021]    

Mauritanie : le système éducatif en soins intensifs



Jeune Afrique – Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani entend réformer un secteur hautement dysfonctionnel. Mais l’ampleur de la tâche est immense.

Moins de 8 % de taux de réussite au baccalauréat 2021, un déficit de 872 classes dans toute la Mauritanie, des centaines d’enseignants manifestant une fois de plus leur colère le 14 novembre : le système éducatif mauritanien est malade.

Le gouvernement doit plancher sur les mesures à prendre après les conclusions des Assises nationales sur la réforme du système éducatif, dont les travaux se sont achevés le 20 novembre à Nouakchott.

Plus de deux ans après l’élection à la présidence de Mohamed Ould Ghazouani, le pays attend de voir comment celui-ci s’y prendra pour mener à bien « les réformes nécessaires pour asseoir les bases de l’école républicaine », comme il s’y est engagé.

Et, en la matière, il y a consensus : l’état de l’enseignement en Mauritanie relève de soins intensifs tant « l’école républicaine » célébrée dans les discours officiels demeure un mirage. Selon l’Unesco, seulement 5,2 % des tout-petits y fréquentent le préscolaire, contre 15 % en moyenne dans le monde arabe. Sur 1 000 filles entrées au collège, à peine 75 réussissent au baccalauréat.

Les conditions de travail sont également en cause. Les 11 376 instituteurs et professeurs sont trop peu nombreux, et le niveau des salaires – un instituteur débutant émarge à 194 euros par mois – n’est pas de nature à attirer les meilleures compétences.

Quant à la production nationale de livres scolaires, elle ne couvre qu’un tiers des besoins. Sans parler des programme erratiques. Les plus aisés des Mauritaniens désertent l’enseignement public, où sévit l’absentéisme des enseignants, et leur préfèrent des collèges « d’excellence » ou l’enseignement privé.

L’arabe en question

La cause de la précarité du système éducatif mauritanien remonte à la fin des années 1990. « En 1999, une réforme avait introduit les langues nationales [pulaar, soninké et wolof, ndlr] dans l’enseignement à côté de l’arabe et du français », explique Lô Gourmo Abdoul, professeur de droit public à l’université de Nouakchott et à l’université du Havre, et vice-président de l’Union des forces progressistes (UFP).

« L’hostilité du président Maaouiya Ould Taya à l’égard des Négro-Africains [alors accusés de fomenter un coup d’État contre Ould Taya, ndlr] a mis fin à cette expérience, poursuit-il. Les tenants de l’identité arabe ont également disqualifié le français, qui a été cantonné dans l’enseignement scientifique, l’arabe dominant le secteur littéraire. Comme un enfant ne peut acquérir des connaissances de base que dans sa langue maternelle, cette arabisation à outrance a transformé notre enseignement public en parking pour les pauvres, les enfants riches ayant fui vers les écoles “d’excellence”, le privé ou le Sénégal ! »

Toutes les tentatives de réforme se sont heurtées à la dévalorisation des autres langues en raison de la politisation des partisans du nationalisme arabe.

Cette fixation est d’autant plus paradoxale que les Mauritaniens parlent un dialecte arabe mâtiné de berbère, de français, d’espagnol appelé « hassanya », un « mauvais arabe qui permet de recruter n’importe qui du moment qu’il le parle », selon le professeur Lô Gourmo. « Notre enseignement est devenu schizophrène. Nos enseignants sont désespérés », déplore-t-il.

Face à cette situation, le président Ghazouani a commencé à agir. En février 2020, le gouvernement a décidé d’ouvrir une concertation nationale sur le sujet. Les résultats catastrophiques du baccalauréat 2021 ont accéléré la démarche et, du 21 au 24 octobre, 14 ateliers régionaux regroupant 878 participants et plus de 1 million de visiteurs en ligne ont débattu des problèmes et des solutions.

20 % du budget de l’État d’ici 2024

Syndicats, enseignants, autorités pédagogiques, élus, parents d’élèves, représentants de la société civile se sont penchés sur la carte scolaire, la gestion des ressources humaines, la formation à la citoyenneté, l’unification du système éducatif, le cursus scolaire, le préscolaire, l’enseignement des sciences, le privé, l’alphabétisation, etc.

Le grand déballage a permis de dégager un consensus dont la synthèse a été publiée le 19 novembre par le ministère de l’Éducation nationale. Le point central concerne le retour sur la réforme de 1999, afin de faire une place aux langues négro-africaines dans un enseignement où l’arabe demeurera la langue principale et où le français et l’anglais auront le statut de langues « d’ouverture ».

Les ateliers régionaux ont également proposé de multiplier le salaire des enseignants par quatre et leurs allocations familiales par dix. Ils demandent aussi que le budget de l’Éducation nationale représente au moins 45 % du budget de l’État. Rappelons qu’il ne pèse aujourd’hui que 12 %, une proportion que le président veut porter à 20 % d’ici 2024.

Depuis 2019, le gouvernement a cherché à remédier aux carences les plus criantes ; 5 000 enseignants ont été recrutés et 710 classes réceptionnées. Les indemnités d’éloignement et de « craie » ont été doublées.

Des zones d’éducation prioritaire ont été créées ainsi qu’une formation continue pour 5 000 professeurs. Les cantines scolaires – jusque-là inexistantes – accueillent aujourd’hui 170 000 élèves, souvent très pauvres.

Ce faisant, le pouvoir a paré au plus pressé avec des moyens limités. Sera-t-il capable de s’attaquer à la racine des problèmes du système éducatif, à savoir sa politisation à outrance ?

« Le chef de l’État cherche à l’évidence un accord de compromis avec toutes les parties prenantes, répond Lô Gourmo. Il ne s’implique donc pas dans la posture des partisans de l’arabisme à tout crin. Cela laisse une certaine marge pour la réforme. »

Par Alain Faujas
Jeune Afrique

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