[27/11/2021]    

DEVOIR DE MÉMOIRE ET REFUS DE L'IMPUNITÉ

NOTES DE LECTURE: INAL : Pour quelques nègres de plus!



"Entre deux pendaisons,Khattra s'assoit sur un cadavre pour siroter Son verre de Thé ou au pied d'un pendu en récitant des versets de Coran. Il va d'un pendu à l'autre, achevant Ceux qui tardent à mourir à coup de barres de fer, s'appliquant à porter Les coups dans La région du cou."

Mahamadou Sy

Inal : Il faut sauver le soldat Dahirou ! était le premier titre de cet article ; finalement, pour faire un clin d'œil à un pendu, j'ai changé le titre. Il m'a en effet été suggéré par le sergent chef Diallo Abdoulaye Demba, responsable de peloton du port de La Guerra et qui devait être pendu le premier pour commémorer le trentième anniversaire de l'indépendance de la Mauritanie, version Inal. Celui qui devait lui passer la corde au cou, Jemal O/ Moïlid qui lui demandait s'il avait besoin de quelque chose avant d'être pendu, il répondit qu'il voulait une tabatière ( touuba ) comme il l'a vu faire dans les anciens films western, " il en aspire goulûment la fumée comme pour conserver avec lui un dernier souffle d'énergie " ; cela rappelle la dernière cigarette du condamné et je me suis souvenu du Film de Sergio Léone ( Pour quelques Dollars de Plus) sauf que cette fois, c'est Taya qui s'occupait de la réalisation, et que Ennio Morricone était remplacé par O/ Boïlil ; mais ce qui suit, n'est pas un Western, s'il en est un, ce n'est certainement pas un Western-spaghetti, mais un Western-zrig.

Ce livre m'a véritablement secoué, il m'a fait froid dans le dos. À sa lecture, je me suis remémoré les vagues souvenirs sur Auschwitz et Buchenwald, je me suis ressouvenu des reportages sur l'Holocauste, sur la " Kristalnacht ", je me suis ressouvenu du dernier film de Roberto Benigni, " La Vie est Belle " ; mais à Inal (comme dans le film) la vie était loin d'être belle.

INAL, parlons-en : base militaire " … coin perdu dans le nord de la Mauritanie, à 255 Km de Nouadhibou, le long de la voie ferrée. La ville d'Inal ou plus exactement le hameau, se situe à quelque huit cents mètres à l'Est de la base militaire…la base d'inal est construite dans cette une batha, une sorte de vallée ". C'est de cette façon que nous le situe géographiquement Sy Mahamadou, rescapé de ce camp et aujourd'hui réfugié politique en France.

Inal est donc avec Jreïda, Oualata, Nbeika, Azlatt notre Tazmamart, notre Auschwitz, notre Buchenwald à nous; le privilège d'y accéder (et de ne plus en sortir) est accordé aux seuls négro-mauritaniens ; on y brise les cous, on y étrangle, on y crève les yeux, on y égorge, on y brûle, on y creuse des fosses communes ; bref, une vraie boucherie quoi ! La seule différence est qu'il s'agit d'hommes de troupes, de soldats.

On peut se demander pourquoi la Mauritanie se transforme en boucherie et que les seules bêtes qu'on y immole sont les taureaux noirs. Pour une bête, cela se justifie car pour survivre, nous devons égorger des moutons, des vaches, des poules et autres animaux en invoquant le nom de Dieu ; c'est de la viande " Hallal " appellation d'origine contrôlée ( par Dieu ).

Mais pourquoi égorger un homme ? Pourquoi pendre un homme ? Quel crime Gaye Dahirou a t'il commis pour se retrouver aujourd'hui à sept pieds sous terre, quel crime Diop Bocar Bayal a t'il commis pour être fusillé comme un chevreuil, quel crime Diallo Ibrahima demba a t'il commis pour être pendu ? Comment comprendre les motivations des autorités mauritaniennes ?

Si crime il y a, je ne crois déceler, à la lumière de mon vécu et à la lecture du livre qu'un seul chef d'inculpation : l'appartenance à la culture négro-africaine ; Nous sommes nés coupables d'appartenir à une ethnie, coupables par préméditation de vouloir du mal au maure, coupables de comploter contre L'État. L'auteur nous raconte l'histoire du Vieux Dem " …Quand je demande au vieux Dem, un septuagénaire tout édenté, pourquoi il a été arrêté, il me répond qu'on l'a ramassé au marché de la capitale où il vendait des cure-dent, conduit au commissariat et torturé puis fait signer des papiers avant d'être déposé à Jreïda. On lui a dit qu'il est impliqué dans une histoire de coup d'État. Cela le fait encore rire: moi faire un coup d'État ! Je n'ai plus qu'une seule dent et ne peux même plus faire peur à un morceau de pain".; ce récit prouve l'absurdité de la situation, on se croirait en plein Kafka, c'est pourtant une scène qui n'a rien de surréaliste, rien de métaphysique donc rien de Kafkaïen.

L'auteur lui, un militaire doit quand même justifier son rang de prisonnier et se mettre à table pour avouer le crime pour lequel il est accusé ; les arrestations et les aveux en Mauritanie ont un caractère immuable, c'est la même chose à tous les endroits et à toutes les époques. Toujours arrêté pour les mêmes motifs et toujours avouer des choses qu'ils savent déjà mais qu'il faut quand même leur dire.
L'auteur nous décrit la technique : " le scénario se déroule toujours de la même façon, ils s'acharnent sur les prisonniers pendant une bonne dizaine de minutes à coup de rangers, de ceinturons, de lanières, de fils de fer, de bâton, de tout ce qui peut faire souffrir, ensuite vient l'inévitable question " roud " …on leur demande s'ils connaissent tel officier, tel sous-officier, telle personnalité peulhe, Soninké ou Ouolof…les prisonniers répondent oui à la citation d'un nom connu sans savoir que par ce oui ils signent l'arrêt de mort de la personne nommée…le sous-lieutenant Ely fort de cette moisson de noms se précipite à la salle des transmissions où se trouve le lieutenant Yézid pour lui présenter sa récolte.
Ce dernier transmet à son tour au colonel Boïlil l'information selon laquelle un tel à Inal a donné le nom d'un tel autre à un tel endroit ". Il suffit donc d'un peu pour se retrouver à Inal. Ici encore, c'est l'absurdité de la situation qui m'effraie. " Amlouh ", " roud ", " vreïkh ", " zrig ", " jaguar " on pourrait pendant qu'on y est inventer le " lexique du parfait tortionnaire Mauritanien. "

Dans l'atmosphère nauséabonde de cet enfer, il y a ces moments, vécus par l'auteur et qui m'ont profondément attristé. Ce sont les dernières minutes qu'ils passent avec ses compagnons de cellule avant que ceux-la ne meurent entre ses bras ou devant ses yeux " . Quant à Dahirou, il est à genoux. Il semble dormir paisiblement. Je regarde à nouveau Anne Dahirou. Un détail attire mon attention : son genou droit est à quelques centimètres du sol, il n'a tout de même pas pu dormir sur un seul genou …j'essaie de déceler un mouvement de sa part, je ne vois rien, pas même celui de sa respiration. Puis je comprends, sa tête est légèrement penchée sur le côté gauche au-dessus de la corde.
Il a dû perdre connaissance et glisser et la corde s'est alors retrouvée au niveau de sa gorge et est restée coincée sous son menton. Il est mort étranglé. Le sergent chef Jemal O/ Moîlid passe devant lui, le regarde un peu, lui soulève les paupières puis le fait détacher. Anne Dahirou tombe en avant, ses jambes sont déjà rigides et repliées, un soldat tente vainement de les redresser en les tirant…. Ils tirent le corps par les pieds, le hissent dans un véhicule. Ils creusent un trou, descendent le corps et l'enterrent " . Il y d'autres scènes toujours plus tristes à raconter, toujours plus révoltantes, toujours plus inhumaines, toujours plus insupportables.

Le jour du Trentième anniversaire de la Mauritanie n'est pas un jour comme les autres, pas une année comme les autres. L'auteur raconte : " En temps normal, on devrait être en train de se préparer pour le défilé au flambeau …La Mauritanie aura trente ans demain, ce n'est pas un événement banal, nous sommes donc en droit d'espérer obtenir une solution favorable de la part de celui-là même qui est le principal responsable de nos malheurs ( le président )…Alors que les tortionnaires nous préparent leur plus sale coup depuis l'indépendance.

Comme des bêtes donc, les prisonniers sont marqués " d'une croix, avec un feutre bleu. . A Un sous-officier de la marine, portant le numéro onze qui demande pourquoi on leur a attribué des numéros, le sergent-chef Jemal O/ Moïlid répond " c'est pour vous transférer " ; dans la position du prisonnier, je devais savoir que ce n'était pas pour jouer ailier gauche dans une équipe de foot.
Le moment le plus pathétique, le plus triste de ses pendaisons reste à mon sens celui où arrive le tour de Diallo Oumar Demba et celui de Diallo Ibrahima Demba, sélectionnés tous deux pour la pendaison car ne voulant se séparer à aucun prix. ; chacun d'eux ne voulant pas assister à la pendaison de l'autre, demande à passer en premier ( les bourreaux tenaient absolument à ce que tous ceux qui devaient être pendus, regardent la pendaison des autres ; ainsi, le numéro vingt huit Samba Coulibaly a assisté à 27 pendaisons, en direct Live. C'est au tirage au sort, organisé par les bourreaux comme dans les combats de coqs qu'ils ont été départagés ; et c'est l'aîné, celui des deux que la mère a enfanté dans la douleur le premier, qui a été pendu devant les yeux de son frère. Aucune mère, aucun père, aucun frère, aucune sœur ne pourra pardonner cela.

Ce n'est pas de la démence ( comme à pu le souligner un moment l'auteur), ce n'est pas de la folie, car juridiquement un fou est irresponsable. C'est une politique délibérée de nettoyage ethnique ; et pour cela, il y a des responsables. Je me suis toujours demandé ce que nous autres nègres servons à la Mauritanie, et je crois, qu'après après avoir lu l'enfer d'Inal, trouver un semblant de réponse ; Nous ne sommes qu'un " vulgum pecus ", qu'un troupeau vulgaire et servile qui attend fébrilement dans le " Death Row " l'heure de notre mise à mort. Nous ne sommes que des bêtes (même pas des bêtes de sommes, privilège accordé aux seuls haratins.). Cela est notre tragédie, pire que la Cornélienne, qui rappelle à certains égards la Corrida espagnole et dont les acteurs sont toujours les mêmes : le Maure, le grand notable d'une certaine caste qui n'a aucun doute sur son humanité, sur sa supériorité, sur son destin ; Ces Taya, O / Boilil, Cheikh O/ Mohamed Saleh, Souleymane O/ Eleyatt, Mohamed O/ Sidi, Sidi O/ Néma qui, dans le luxe insolent de leurs résidences désignent entre un " lowwol " et un " thaani " la bête à abattre ; l'autre maure, le petit d'une autre caste et qui attend patiemment son heure joue déjà le jeu et fait le lien entre le grand Maure et le haratin, c'est entre eux que la manière de la mise à mort sera discutée ; ensuite nous avons le haratin, arabe de seconde zone, nervi, second-couteau qui doit encore psychologiquement se défaire d'un vieux complexe d'infériorité ; Ces, O/ Demba, Sid' Ahmed, Oumar, Ely O/ Dah qui, entre deux séances de mise à mort tout en essuyant leur sueur avec leurs habits encore rouges de sang attendent le nom de la prochaine espèce à abattre. Ensuite ( enfin devrais-je dire) vient la bête, le " vreikh ", moi, Anne Dahirou, Sall Abdoulaye Moussa, Lôme Abdoulaye, amoureux de son pays mais traîné à coups de crosses, étranglé au ceinturon, battu à coups de lanières.

Tout autour de ce décor dantesque, un fond sonore, des appels du muezzin, des chansons de Dimi Mint Abba, mais aussi les cris des veuves, les sanglots des orphelins ; Le sable fin du couloir est déjà tout noir de sang témoin du passage d'autres bêtes traînées ; la bête designée elle, bien avant d'entrer dans l'arène se vide déjà de son sang car certains Toreros s'ennuyaient et s'amusaient déjà à la taquiner en lui enfonçant dans la chair tout ce que sa pauvre peau laissait passer.
Et c'est agonisante qu'elle est traînée jusqu'au centre de l'arène, et c'est agonisante quelle balance son cou, son fanon semble danser et semble s'offrir enfin en sacrifice pour le bonheur du Torero ; L'auteur, s'il n'en est pas arrivé là, s'en est approché et nous en donne son sentiment : " ..Peu à peu, un détachement total à la vie s'installe en moi et une grande paix envahit mon cœur…je décide de terminer ma vie dans le recueillement et la prière ; je récite à haute voix tous les versets de coran que je connais. Cela au moins, on ne peut m'en empêcher. Je me prépare à la mort, ils peuvent venir maintenant." Et telles des hyènes assoiffées de sang les haratins et les autres maures se jettent sur la bête pour que la fête continuât. Mais la bête est presque morte et la fête ne fait que commencer.

Tambadou Abdoulaye et d'autres ont été sacrifiés sur l'autel de la bêtise et ils ne doivent pas être oubliés par les mauritaniens, de quelque bord que ce soit. Celui qui prendra le pouvoir, d'où qu'il vienne doit ne pas oublier l'essentiel, l'essence de la problématique mauritanienne, elle est ethnique ou elle n'est pas.

Mahamadou Sy ne termine pas sans rendre hommage à certains maures pour leur probité, leur honnêteté et leur courage ; il voudrait que l'amalgame qui pense que tout maure est un tortionnaire soit évité ; mais à mon sens, c'est une précision qu'il n'avait pas besoin d'apporter car nous savons, " sans aucun doute ", " qui est qui ".

Ce livre est merveilleusement écrit, c'est le témoignage écrit d'un homme qui a flirté avec la mort, le témoignage d'un responsable militaire qui a servi dignement son pays et qui se voit supplicier par des bourreaux qui étaient jadis à ses ordres ; à le lire, à l'entendre parler de ses compagnons d'infortune torturés jusqu'à la mort ou pendus, on croirait qu'il s'excuse presque d'être encore en vie, mais je crois, sans être ironique que ce livre (comme celui de Boye Alassane Harouna du reste et dont nous parlerons une autre fois) est un bon cru pour tous ceux et celles qui croient objectivement en la volonté du pouvoir de dénégrifier ( déjudaïser devrais-je dire) la Mauritanie et qui comptent prendre le mal par la racine pour une Mauritanie pacifiée, juste, égalitaire et…. " dénazifiée. "

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