[03/12/2022]    

«La colonisation arabe était pire que la colonisation européenne» | Par l’écrivain Abdelaziz Baraka Sakin




L’auteur du « Messie du Darfour », Abdelaziz Baraka Sakin, revient avec « La Princesse de Zanzibar », un roman éblouissant d’audace sur une période tragique.

Avec Le Messie du Darfour, puis Les Jango, Abdelaziz Baraka Sakin nous a régalés, sur des sujets difficiles, de deux romans sur son Soudan natal, duquel il a dû s’exiler. Il nous emmène cette fois du côté de Zanzibar, dans un périple aventureux aussi palpitant que drôle, même si la toile de fond l’est beaucoup moins. Ce maître ès ironies, à l’imagination ô combien fertile et audacieuse, brode allègrement sur des bases historiques documentées.

Ainsi de sa Princesse de Zanzibar, qui vient de paraître, toujours aussi bien traduit par Xavier Luffin, dont il nous explique, de passage à Paris, l’origine : à l’époque où il s’intéressait à la littérature omanaise, car l’auteur travaille beaucoup à des anthologies, Abdelaziz Baraka Sakin tombe sur deux livres datant de la colonisation des Omanais à Zanzibar. « L’un était les Mémoires de la fille du sultan, l’autre était écrit par un chef militaire qui capturait les esclaves. J’ai été frappé par le fait que la princesse parle de la vie fastueuse des Omanais à Zanzibar, et décrive les Zanzibarites comme des gens qui ne faisaient rien, des paresseux, alors que les Africains faisaient tout, cultivaient la terre, s’occupaient des récoltes, et jusqu’à laver les corps des maîtres. Ce contraste entre ce paradis pour les Omanais et cet enfer vécu chez eux par les Africains m’a interpellé. La vie de l’individu simple, celui dont personne ne se préoccupe, ce qu’on appelle le vide historique a motivé mon roman, qui vient le combler. »

• Haro sur Zanzibar

Avec sa verve prodigieuse, Baraka Sakin installe son histoire au cœur d’Unguja, l’île principale de l’archipel, alors aux mains des Omanais, où l’esclavage bat son plein, et les Anglais, Français et Allemands se battent pour coloniser Zanzibar. « Mais qu’est-ce qu’ils nous veulent ces Européens ? L’île nous appartient, […] cette terre est à nous, son peuple aussi, nous sommes ses maîtres », s’étonne le sultan au pouvoir ! La « princesse récemment bénie de dieu », fille du sultan (« récemment béni lui-même », voyez le côté farceur du conteur), est l’unique enfant de ce tyran pourtant hyperactif sexuellement, on ne compte plus le nombre de femmes qui passent par son lit.

Quoique ! L’auteur établit une page de ses records tous secteurs confondus : « Tout au long de sa vie, sans que l’on puisse en délimiter avec certitude la durée, il tua 883 Africains, 7 Arabes omanais et 20 Yéménites. […] Il vendit 2 779 670 esclaves, hommes, femmes et enfants. Il copula avec 300 esclaves, écoulant dans leur vagin environ 15 gallons de sperme […] » La princesse, folle de bijoux (ah, quelle scène avec le bijoutier indien !), mariée à un homme d’affaires qui guigne le sultanat, exige d’être son unique épouse, c’est déjà dire que la jeune femme a du caractère, comme dans tous les romans de l’auteur, marqué par la figure de femme forte de sa mère, nous confiait-il à la sortie de son premier livre.

Mais le couple que l’on suit tout du long du roman est d’un autre genre, si l’on peut dire. Dès la sortie de l’enfance, la princesse a eu pour esclave un eunuque de son âge ou presque. Sundus, émasculé dès sa capture par les Arabes, est aux petits soins pour sa princesse qui ne jure que par lui. Entre eux se noue un amour particulier qui leur permettra de traverser ensemble (presque) tous les obstacles et de vivre une sexualité sans verge mais avec jouissance, c’est d’ailleurs une des dimensions du roman qui résonne de façon très contemporaine au regard des théories, et des pratiques, du genre : « Pour moi, explique l’écrivain, la sexualité n’est pas liée à des organes génitaux, mais à des complicités entre les êtres. Tous deux sont mutilés, puisque la princesse est excisée, mais leur relation va au-delà. » L’amour de ces deux-là est absolu, il est un des chemins tracés tant bien que mal vers la liberté, celle qui est incarnée par ailleurs et totalement par un autre personnage (de femme encore) : Uhuru l’ensorceleuse, qui danse et chante quasi nue, qui n’a peur de rien, mais que tout le monde redoute, c’est par elle que va se bâtir l’émancipation, sur la révolte de la population après 200 ans de domination.

• Interdit au Koweït et à Oman

Les épisodes bondissent, suivant les grands chapitres de cette fin du XIXe où tout bouge, autour d’une date que l’histoire a retenue comme la guerre la plus courte : le bombardement de Zanzibar le 27 août 1896 par les Britanniques, dite « la guerre de trente-huit minutes », mais l’auteur fait ici et là des pas de côté à sa guise et toujours en faveur du rythme de la narration, en se démarquant des faits pour décrire, d’une scène à l’autre, l’incroyable violence des Omanais. « Ils se nient en tant que colons alors que la colonisation arabe de l’Afrique était pire que celle des Européens, car ils castraient les hommes », précise Abdelaziz Baraka Sakin.


On en arrive jusqu’à l’abolition de la traite et la fin de l’esclavage, proclamée mais non respectée. Puis l’intégration des libres à une société qui n’a plus ses repères. Pas de tabou ici. Mais une liberté magnifique pour signer avec cette insolence, un conte, roman d’aventures, mais aussi parabole sur le colonialisme, l’esclavage, le statut de la femme, l’indépendance de l’Afrique, les langues, la nature, la religion, la sexualité… Ceux qui rêvent de happy end feraient mieux de jouir de l’écriture tout du long plutôt que d’attendre les dernières pages. Le titre original du roman est Sahamani : pardonne-moi, en swahili. Le sultanat d’Oman et le Koweït n’ont pas pardonné à l’auteur sa vision des choses : ce livre, précise sa maison d’édition française (Zulma), est interdit dans ces pays.

©? Repris via https://www.lepoint.fr/livres/la-colonisation-arabe-etait-pire-que-la-colonisation-europeenne-01-12-2022-2500120_37.php#11

Mauritanie
Afrimac 2 s'investit pour booster l'entrepreunariat féminin


CULTURE

POLITIQUE

SOCIETE

ECONOMIE

SPORT

Image
Festival nomade culturel : hommage à feu Seymali O. Hemed Vall
Image
Voyage du Président Faye à Nouakchott, nouvel élan économique.

Image
Des mauritaniens parmi plusieurs naufragés découverts dans une embarcation sur les côtes brésiliennes
Image
10 pays les plus riches d’Afrique selon Henley&Partners

Selon le rapport 2024 sur la richesse en Afrique de Henley & Partners , le continent détient actuellement une richesse totale investissable de 2 500 milliards de dollars, et sa population millionnaire devrait augmenter de 65 % au cours des 10 prochaines années.
Image
Foot : Emir Abdou prolongé à la tête des Mourabitounes

INTERVIEWS

Image
Ramadan : engagement citoyen, rencontre avec Mountagha Adama Sall président de l’Association pour le défense de la voix des enfants en Mauritanie

Image
Abolir l’esclavage en Mauritanie

Conformément à la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948, des conventions internationales dénoncent et interdisent la mise en esclavage d’êtres humains. Elles sont ratifiées par l’ensemble des états de la planète. Pourtant il existe en dépit de ces traités des états qui pratiquent encore l’esclavage. La République Islamique de Mauritanie est régulièrement pointée du doigt pour cela. Pressenza a rencontré Diko Hanoune, président de l’Association des Haratines de Mauritanie en Europe.

Image
Le Grand Entretien du Blog | En exclusivité avec le géoscientifique M. Aleyda TRAORE


La rubrique Grand Entretien du Blog - ecrit-ose.blog (Le GEB) marque son entrée en 2024 avec une prolifique interview accordée par un natif de la région du Guidimagha mauritanien. En la personne de monsieur Aleyda TRAORE, un Masterien expérimenté en Géosciences et Ressources qui travaille en France depuis quelques années. Nos vifs remerciements à lui pour sa disponibilité qui aboutit à cet entretien d’une belle pointure.


Image
Interview: Mohamed Maouloud, président de l’UFP

M. Mohamed Maouloud, président de l’Union des Forces du Progrès (UFP) : ‘’Sur les 10 points de l’accord avec le ministère de l’Intérieur, seul celui relatif à la CENI a été appliqué’’

Image
BURKINA FASO : POURQUOI LE PRÉSIDENT DAMIBA SE REND AU MALI ET EN CÔTE D’IVOIRE ?

Pour sa première visite à l’étranger depuis sa prise de pouvoir en janvier, le chef de l’État burkinabé, Paul-Henri Sandaogo Damiba, s’est rendu ce samedi au Mali avant de s’envoler lundi pour la Côte d’Ivoire. Au menu : coopération sécuritaire et réconciliation nationale, explique Windata Zongo, membre du Centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques.

Image
Questions à Bakary Tandia à La Nouvelle Expression


Bakary Tandia, est de Kaedi et Djeol. Il réside actuellement à New York, aux USA. Il est le Co-fondateur d’Abolition Institute, une organisation de défense des droits de l’homme se focalisant sur l’éradication de l’esclavage. Dans ce cadre, cette organisation travaille en collaboration avec SOS Esclaves et IRA dont Mr Bakary coordonne l’action aux USA. Ce militant dans l’âme est aussi le Secrétaire Général de Muritani Min Jejitta, une organisation dont la mission est l’application de la justice transitionnelle pour une solution juste, satisfaisante et définitive à la question du « passif humanitaire ». Notre invité a d’autres chapeaux…


FAITS DIVERS

Image

Italie : Une mafia sénégalaise démantelée

Image

Un mystérieux assassinat résolu grâce au concours d’un opérateur téléphonique

Image

Dafort: Un crocodile interrompt la pêche et fait des blessés

Image

Elle ferme ses prisons par manque de prisonniers

Image

Avis de recherche : il s’appelle Oumar Séga Touré et a disparu depuis trois jours

Copyright © 2014 La Nouvelle Expression. Tous droits réservés.