Trois Gambiens ayant suivi le prétendu traitement miracle de Yahya Jammeh contre le sida ont déposé plainte jeudi 31 mai devant la juridiction civile de la Haute Cour de Banjul. Ils accusent l’ancien président de traitements inhumains et dégradants et réclament des réparations.
Ils étaient parmi les premiers à suivre le « traitement » expérimental du président. En janvier 2007, lorsque Yahya Jammeh, autoproclamé guérisseur traditionnel, affirme avoir trouvé un remède pour guérir du sida, ces deux hommes et cette femme sont à la tête d’associations de soutien aux malades. Et ils se retrouvent soudain à devoir lui servir de cobaye.
Pendant six mois, ces Gambiens seront enfermés dans un centre de soin, et devront boire des décoctions à base de plantes jusqu’à s’en rendre malade, devant les caméras de la télévision d’État. « Mon expérience lors de cette période de traitement avec le président était vraiment horrible. J’aurais pu y perdre la vie » explique Fatou Jatta, l’une des plaignantes. Si la quinquagénaire en sort finalement vivante, un nombre incertain de « patients » en sont morts.
« Traitements inhumains dégradants »
Onze ans plus tard, ces trois Gambiens séropositifs, aidés par l’organisation AIDS-Free World et l’Institut pour les droits de l’homme et le développement en Afrique (IHRDA), sont bien décidés à obtenir réparation. Selon le texte de la plainte, ils s’estiment victimes notamment de « détention illégale » et de « traitements inhumains et dégradants ».
Le faux traitement du président a eu des effets sur la lutte contre la maladie dans le pays
« Yahya Jammeh est accusé de négligence pour s’être présenté comme quelqu’un capable de soigner le sida » détaille leur avocate, Combeh Gaye, interrogée par Jeune Afrique. « Et les plaignants en ont souffert : par exemple, durant le traitement, ils ont été forcés d’abandonner leurs antirétroviraux, les médicaments que prennent d’habitude les personnes porteuses du virus, pour consommer seulement les décoctions. Cela a eu des conséquences sur leur santé. »
Le faux traitement du président a aussi eu des effets sur la lutte contre la maladie dans le pays. Le sujet étant devenu tabou, les organisations qui continuaient à proposer des traitements conventionnels devaient se faire très discrètes. Aujourd’hui, un peu plus d’1% de la population est séropositive, mais seul un tiers des malades se sait porteur du virus. Et ils sont encore moins nombreux à suivre un traitement.
Un procès même sans Jammeh
Dans l’enceinte de son palais de Kanilai, à l’est de la capitale, se trouvent encore des plantes séchées et des écorces qui permettaient à l’ancien leader de fabriquer ses potions. Sur une terrasse, des bidons jaune vif sont entreposés.