[09/06/2018]    

Karine Bonneau (FIDH): «La libération de Jean-Pierre Bemba, ex-vice-président congolais, est envisageable, mais...»



Après dix ans de prison, Jean-Pierre Bemba pourrait-il être libéré après-demain vendredi par la Cour pénale internationale ? En première instance, l'ancien vice-président congolais (RDC) a été condamné à 18 ans de prison pour crime de guerre et crime contre l'humanité en Centrafrique. Que vont décider les juges d'appel à La Haye ? A la FIDH, Karine Bonneau dirige le bureau Justice internationale. Elle n'exclut pas sa libération, mais...

Rfi : Karine Bonneau, dans le procès en appel y a-t-il eu de nouveaux témoignages ou de nouvelles pièces qui ont permis de mieux connaître les responsabilités dans les crimes commis à Bangui en 2002 ?

Karine Bonneau :Le procès en appel de Jean-Pierre Bemba a duré quelques jours. Il a fait appel, effectivement, à des témoignages. Mais c’est surtout une opposition entre la défense et l’accusation pour notamment remettre en cause le fait que Jean-Pierre Bemba a été coupable, notamment de crimes contre l’humanité.

Oui, c’est le mot qui a le plus fait controverse lors du procès en appel.

Effectivement. La défense a beaucoup centré son intervention sur le fait que les troupes du MLC de Jean-Pierre Bemba ne pouvaient pas avoir été l’auteur de crimes contre l’humanité, dans le sens où elles n’avaient pas une politique organisationnelle interne, dirigée vers la perpétrationde ces crimes. Et la défense de Jean-Pierre Bemba a aussi beaucoup insisté sur le fait que Jean-Pierre Bemba étant loin de ses troupes, en RCA, il n’avait pas vraiment un contrôle effectif sur ses troupes pour commettre de tels crimes.

C’est vrai qu’en 2002, au moment où ses troupes ont tué, violé, et pillé à Bangui, Jean-Pierre Bemba était en Afrique du Sud. Mais en première instance, les juges de la Cour ont retenu la responsabilité du chef. Est-ce que cette responsabilité pourrait être reconsidérée par les juges d’appel ?

C’était une avancée majeure du procès en première instance. C’est la première fois que la CPI condamnait un accusé en tant que supérieur hiérarchique. Les juges ont estimé que, même si Jean-Pierre Bemba n’était pas en Centrafrique même, mais était en République démocratique du Congo ou dans d’autres Etats, il avait le pouvoir effectif de contrôler ses troupes, de contrôler le MLC, qui agissait en RCA.

Pendant la commission de ces crimes à Bangui en 2002 il y avait encore un supérieur hiérarchique au-dessus de Jean-Pierre Bemba. C’était le président centrafricain Ange-Félix Patassé. Pourquoi la Cour ne l’a-t-elle jamais poursuivi ?

La Cour n’a pas estimé qu’il était au-dessus de Jean-Pierre Bemba, mais que Jean-Pierre Bemba et Ange-Félix Patassé, effectivement, ont agi ensemble avec un plan concerté. Elle ne l’a pas poursuivi, c’est quelque chose que nous, à la FIDH, avons pu regretter. L’absence de poursuites contre Patassé ou même d’autres personnes responsables de crimes en RCA, nous l’avons regrettée. A la FIDH, nous avons demandé au procureur de la CPI de les poursuivre aussi. Pourquoi s’est-elle limitée à Jean-Pierre Bemba ? Vraiment, on n’a jamais eu la réponse, si ce n’est que, c’est vrai, à l’époque Jean-Pierre Bemba était aussi ce que l’on appelait un gros poisson. C’est quelqu’un qui était assez intouchable et en ce sens-là il fallait saluer cette arrestation et son procès. Mais c’est sûr qu’il faudrait que d’autres personnes puissent répondre des crimes qui ont été commis en RCA.

Donc, il y a quelque chose de partial dans ce procès, à votre avis ?

Partial non, parce que les crimes qui sont jugés, pour nous sont des crimes d’une extrême gravité. C’est vrai que c’est la première fois aussi que la CPI juge des crimes de violence sexuelle. C’est la reconnaissance, aussi, du viol comme arme de guerre. C’est la première fois qu’un supérieur hiérarchique est poursuivi et c’est un message aussi, fort, aux autres supérieurs hiérarchiques, même s’ils ne sont pas sur le terrain des opérations. Mais c’est vrai que c’est aussi un procès qui peut laisser un goût amer parce qu’il ne rend pas complètement compte de tous les crimes qui ont été commis à ce moment-là en RCA et de toutes les responsabilités dans ces crimes.

Bemba est-il le bouc émissaire de tous les crimes commis à Bangui ?

Non, il n’est pas le bouc émissaire. Il a eu un rôle déterminant dans ces crimes-là et en tant que tel, c’est important qu’il ne reste pas impuni et que ses crimes soient jugés.

Contre Jean-Pierre Bemba en première instance la procureure a requis au minimum 25 ans de prison. Qu’a-t-elle réclamé en appel ?

En appel elle a réclamé la même chose, puisqu’il a été condamné à 18 ans de prison en première instance. Et la procureure a demandé à ce qu’il soit condamné à 25 ans de prison pour prendre davantage en compte la gravité des crimes qui ont fait l’objet d’une condamnation.

Depuis mai 2008 Jean-Pierre Bemba a déjà donc purgé à 10 ans de prison. Et il espère, justement, n’être condamné qu’à 10 ans de prison vendredi, afin de pouvoir sortir libre. Est-ce une hypothèse raisonnable ?

Si les juges ne confirment pas la culpabilité pour crime contre l’humanité et crime de guerre, c’est effectivement envisageable. Si les juges confirment la décision de première instance, Jean-Pierre Bemba restera plus longtemps en détention, parce que des crimes de viol, de meurtre, de pillage c’est une condamnation plus forte. Et puis il y a une autre étape qui est aussi celle des réparations. Les juges, après l’appel de vendredi, vont devoir décider des mesures de réparation pour les victimes. Et il serait assez choquant que Jean-Pierre Bemba puisse sortir de prison avant même que des formes de réparation soient définies pour les victimes.

Parmi les grandes voix qui demandent la libération de Jean-Pierre Bemba il y a l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain Herman Jay Cohen, qui soulève le fait qu’il n’a jamais été prouvé que Bemba était personnellement impliqué dans les atrocités de Bangui. Est-ce que ce type d’appel peut être entendu par les juges de La Haye ?

Non, je ne pense pas. Je pense que le procès de Jean-Pierre Bemba en première instance a quand même duré près de 6 ans et s’est soldé par un très grand nombre de témoignages, des témoignages experts. On attend des juges de la CPI qu’ils jugent en fonction de ce qu’ils auront eu devant eux pendant les audiences et pas en fonction des appels des uns et des autres, en dehors des salles d’audience. On peut espérer quand même qu’ils soient un peu plus sourds à ce genre d’appels.

Et ce que disent un certain nombre d’hommes politiques étrangers - comme Herman Jay Cohen -, et Congolais, comme l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, c’est que la libération éventuelle de Jean-Pierre Bemba pourrait contribuer à mieux préparer la présidentielle de décembre prochain au Congo Kinshasa. N’est-ce pas un argument tout de même ?

C’est un argument politique. Maintenant, je pense qu’on n’est vraiment pas du tout dans la même démarche. Je pense que les juges de la CPI ne vont pas déterminer d’une libération anticipée pour participer à des élections en RDC. Donc, non. Je pense qu’il faut raison garder et espérer déjà que la Cour - puisse condamner puisqu’on espère à la FIDH, qu’il sera à nouveau condamné - Jean-Pierre Bemba en appel, à la hauteur de la gravité des crimes pour lesquels il est poursuivi devant la CPI.


Karine Bonneau.
RFI

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