Dr Bakary Sambe Directeur de Timbuktu Institute, un centre de recherche sur l’extrémisme violent basé à Dakar, a été ce samedi l’invité du Grand Oral. Sur les ondes de la 97.5 Rewmi FM, il parle du phénomène du terrorisme au Sahel. Morceaux choisis
La faiblesse sécuritaire des Etats d’Afrique en proie au terrorisme
« Vous savez qu’aucun Etat au monde ne s’était préparé à la question du terrorisme. Classiquement, quand on parlait de guerre, c’était deux fronts avec deux armées qui s’affrontent. A la fin il y a victoire ou défaite ou négociation. Maintenant, on est à l’ère de cette guerre asymétrique où le front peut être partout. Ça peut être une école, un aéroport à exploser, un camp militaire à attaquer… L’ennemi est insaisissable et est peut-être même déjà à l’intérieur. Et face à ce type d’ennemi, nos armées n’étaient pas préparées. On est en face des gens qui cherchent la mort et face à cela, c’est un désarroi total. Maintenant, dans le Sahel, en plus de cette impréparation des armées classiques par rapport à la guerre asymétrique, il y a des problèmes de moyens et de formation qui se posent. Par ailleurs, le problème noté au nord du Mali, combiné à une crise politique interne depuis 2011, a fait que le Mali commence à s’effondrer et que maintenait le problème des frontières du Mali ne sont plus un problème pour le Mali, mais pour tous ses voisins. On a vu que le centre du djihadisme qui était le Mali est maintenant en train de s’étendre dans toute la région et de toucher le Burkina Faso, comme il y a eu même des tentatives parfois de toucher les pays voisins comme la Côte d’Ivoire. »
Le Sénégal face au phénomène du terrorisme
« Dans notre pays, avec les équipes de veille, on essaye un peu de classifier la région selon trois catégories. Il y a une première typologie de pays qui sont les pays largement atteints par ce phénomène du djihadisme massif, comme le Mali, le Nigeria. Il y a une deuxième catégorie de pays qui sont sous pression sécuritaire, comme le Burkina à l’époque qui est aujourd’hui entré de plain-pied dans ce phénomène, le Tchad et la Mauritanie. Il y a une troisième catégorie de pays qui, je crois, sont encore des pays qui peuvent développer des stratégies de prévention et de veille contre l’extrême violent. Vous savez, au Sénégal en 2013, lorsque je publiais le premier rapport grand angle sur le radicalisme religieux et la menace terroriste au Sénégal, on me disait que j’inventais des problèmes qui n’existaient pas. En 2015, lorsqu’on a enquêté sur la perception des jeunes par rapport au terrorisme aussi, c’est vrai qu’on on était dans ce délit-là. C’est vrai que les Etats sont dans un esprit de dénie parce qu’ils ne veulent pas être classifiés comme un pays que devrait fuir les investisseurs et le terrorisme, mais aussi je crois qu’il y a une forme de domination dans le contrôle de l’information sécuritaire de la part de certains pays qui, aujourd’hui, ont le pouvoir de classer certains pays en zone rouge ou en zone jaune alors que les mêmes règles ne sont pas appliquées à leurs pays. »