[30/11/2021]    

Seif Al-Islam : le Kadhafi qui veut «revenir lentement comme dans un strip-tease »



(Agence Ecofin) - Dix années après la mort de son père, Seif Al-Islam Kadhafi a déposé sa candidature à l’élection présidentielle libyenne, prévue pour le 24 décembre prochain. Pourtant visé par un mandat d’arrêt international, le cadet Kadhafi tente de séduire un peuple qui n’a pas connu des jours paisibles depuis la chute de son père, suivie d’un plongeon dans le chaos.

On peut bien imaginer la surprise des agents de la commission électorale à Sebha, dans le sud de la Libye, lorsqu’ils ont vu se diriger vers eux Seif Al-Islam. Le fils cadet de Mouammar Kadhafi n’était pas apparu en public depuis près de 10 ans. Et pourtant. Le candidat Seif al-Islam Kadhafi a soumis les documents de sa candidature au bureau de la HNEC (Haute Commission électorale nationale) à Sebha, complétant ainsi « toutes les conditions juridiques requises par la loi n°1 relative à l'élection du chef de l'Etat », a annoncé la HNEC dans un communiqué. A 49 ans, l’intéressé n’a plus forcément l’allure de dandy qu’il affichait au temps du règne du Guide.


« Vous devez jouer un peu avec leur esprit. »


Marquée par le temps, sa barbe, toujours bien mise sur les photos, a pris une teinte poivre et sel. L’amour pour les bons mots, lui, semble être resté intact. « J'ai été éloigné du peuple libyen pendant dix ans. Vous devez revenir lentement. Comme un strip-tease. Vous devez jouer un peu avec leur esprit », déclare-t-il dans une interview accordée, il y a quelques semaines, au New York Times.


La belle gueule du régime Kadhafi

Pour les Libyens, le nom de Seif Al-Islam a longtemps sonné comme celui du successeur. Né le 25 juin 1972 à Tripoli, Seif Al-Islam Kadhafi porte un prénom signifiant « glaive de l'Islam » en arabe.

Né le 25 juin 1972 à Tripoli.


Second enfant des dix (huit biologiques et deux adoptifs) constituant la fratrie Kadhafi, il obtient en 1995 un diplôme d'ingénieur architecte à l'université al-Fateh de Tripoli. A partir de ce moment, tous ses amis le surnomment « ingénieur Seif ». A cette époque, il s’était déjà lancé dans les affaires à Tripoli, parrainé par le très puissant Moussa Koussa, chef des services de renseignement. Il poursuit sa formation avec des études de gestion en Autriche, où il obtient un diplôme de l'International Business School. Il se lie alors d’amitié avec Jörg Haider, le chef de la droite populiste autrichienne.


Il poursuit sa formation avec des études de gestion en Autriche, où il obtient un diplôme de l'International Business School. Il se lie alors d’amitié avec Jörg Haider, le chef de la droite populiste autrichienne.


A Londres, où il achève son cursus universitaire avec un doctorat de la London School of Economics, il se rapproche du prince Andrew, fils de la reine d’Angleterre, et des Rothschild. Il se lance dans les affaires en Libye, mais ne devient réellement connu qu’en 2000, lorsque sa fondation négocie la libération d'otages occidentaux détenus par un groupe d'extrémistes islamistes aux Philippines. Il verse la rançon de 25 millions dollars demandée par le groupe Abou Sayyaf pour libérer six otages occidentaux.


Polyglotte, branché et disposant d’un réseau international bien fourni.


A partir de là, la presse internationale voit en lui le « visage humain » du régime Kadhafi. Cette image permettra à Mouammar Kadhafi de donner une dernière leçon à son fils.


La dernière leçon du père

Polyglotte, branché et disposant d’un réseau international bien fourni, Seif Al-Islam est vu comme une chance de modernité pour le rustique régime libyen, soupçonné de soutien au terrorisme. Le jeune homme continue sur sa lancée et négocie les accords d'indemnisation des familles des victimes de l'attentat de Lockerbie en 1988. Très critique envers le régime de son père, il est reçu dans les chancelleries comme un ministre des Affaires étrangères, mais n’occupe aucune fonction officielle. Un de ses amis laisse même entendre à la presse internationale que Seif Al-Islam devrait prendre le pouvoir et laisser un rôle honorifique à son père. Ce dernier, pas naïf, avait autorisé son fils à rédiger un projet de constitution. Seif Al-Islam mène alors campagne pour l'ouverture de médias privés en Libye. En 2007, son père l’y autorise, sachant pertinemment que l’aile dure du régime ne voit pas ce projet d’un bon œil. Seif Al-Islam lance alors en août la première chaîne de télévision, ainsi que les deux premiers journaux privés du pays.

Moderne et réformateur il attire l’attention hors du pays. Mais sa constitution ne sera jamais appliquée. Dans les faits, Seif Al-Islam est surtout devenu une caution à l’international pour le régime libyen. Le jeune homme est l’éventualité du changement brandie par le régime lorsque les vieilles accusations lui sont jetées à la face. Pendant ce temps, le fils du guide n’est qu’un simple faire-valoir humanitaire. Il défend les infirmières bulgares détenues 8 ans en Libye, faussement accusées d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants de Benghazi et intervient dans les affaires médiatisées. Pour couronner le tout, plusieurs « médias privés » de sa société Al-Ghad, sont nationalisés ou fermés. Il annonce son retrait de la vie politique. Il ne reviendra qu’en 2011.


La transfiguration avant la chute

Seif Al-Islam réapparait en Libye dès le déclenchement des manifestations locales du Printemps arabe. En pleine insurrection populaire, il adopte une posture inattendue. « Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme et jusqu'à la dernière balle. Il y aura des rivières de sang dans toutes les villes ». Exit les belles phrases et les bons mots, le ton est guerrier.


« Nous ne lâcherons pas la Libye et nous combattrons jusqu'au dernier homme, jusqu'à la dernière femme et jusqu'à la dernière balle. Il y aura des rivières de sang dans toutes les villes ».


La leçon du père a-t-elle fait son effet ? Quoi qu’il en soit, fusil d’assaut en main, haranguant les foules fidèles au régime de son père, Seif Al-Islam ne correspond plus guère à l’image qu’il donnait. Peut-être est-ce là le successeur rêvé par son père. Il menace les manifestants en leur promettant un bain de sang. Pour la Cour pénale internationale (CPI), c’est la faute de trop.

Capturé en novembre 2011 par un groupe armé de Zenten.


Un mandat d’arrêt « pour crimes contre l’humanité » est émis contre lui en juin 2011. Son père meurt entre les mains des révolutionnaires en octobre. Le fils, lui, sera capturé en novembre 2011 par un groupe armé de Zenten, puis condamné à mort par les autorités judiciaires de Tripoli en 2015, à l'issue d'un procès expéditif. Seulement, le groupe refuse de le livrer et annonce finalement sa libération en juin 2017, mais personne n’arrive à retrouver Seif Al-Islam.


Condamné à mort par les autorités judiciaires de Tripoli en 2015.


Finalement, il brise le silence en juillet dernier dans une interview accordée au New York Times. « L'heure est venue d'un retour au passé. Le pays est à genou, il n'y a pas d'argent, pas de sécurité, pas de vie », déclare-t-il en suggérant déjà sa candidature à la présidentielle.


Vêtu d'une tenue de prière noire, affichant une barbe grisonnante et un turban noir, il semble plus que jamais ressembler au successeur dont aurait rêvé Mouammar Kadhafi.


Dans les photos diffusées par le média américain, ce n’est pas Seif l’ingénieur ou Seif le dandy qu’on aperçoit, mais bien Seif Al-Islam Kadhafi, tel qu’on l’aurait imaginé s’il voulait jouer le rôle, ne serait-ce que visuellement, de son père défunt. Vêtu d'une tenue de prière noire, affichant une barbe grisonnante et un turban noir, il semble plus que jamais ressembler au successeur dont aurait rêvé Mouammar Kadhafi. Mais, la Libye n’est plus pareille, et il faudra aussi affronter l’autre personne qui veut prendre la place de son père : Khalifa Haftar.


« L'heure est venue d'un retour au passé. »


En se présentant, tout en étant toujours visé par un mandat d’arrêt international, le candidat Seif Al-Islam semble montrer qu’il ne craint plus rien, laissant présager de nouveaux orages au-dessus d'un pays qui s’en passerait bien.


Servan Ahougnon

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