[11/04/2022]    

Questions à Bakary Tandia à La Nouvelle Expression


Bakary Tandia, est de Kaedi et Djeol. Il réside actuellement à New York, aux USA. Il est le Co-fondateur d’Abolition Institute, une organisation de défense des droits de l’homme se focalisant sur l’éradication de l’esclavage. Dans ce cadre, cette organisation travaille en collaboration avec SOS Esclaves et IRA dont Mr Bakary coordonne l’action aux USA. Ce militant dans l’âme est aussi le Secrétaire Général de Muritani Min Jejitta, une organisation dont la mission est l’application de la justice transitionnelle pour une solution juste, satisfaisante et définitive à la question du « passif humanitaire ». Notre invité a d’autres chapeaux…



Vous êtes à Nouakchott pour un colloque sur l’esclavage. Quels sont les objectifs de ce colloque et surtout quelles en sont les attentes ?

Oui, j’ai participé au colloque sur l’esclavage qui a eu lieu à Nouakchott du 16 au 17 Mars 2022. Il était organisé par l'Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolition en Mauritanie (IRA-M) et le Réseau du G5 Sahel Contre l'Esclavage en collaboration avec le Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et les Relations avec la Société Civile. Les objectifs du colloque étaient de faire l’état des lieux de l’esclavage et de ses séquelles en présentant les acquis et les défis ainsi que les contributions faites par les organisations abolitionnistes d’une part, et de réaffirmer leur détermination à continuer leur lutte sans répit jusqu'à l’éradication de ce phénomène anachronique, d’autre part. Pour ce qui est des attentes, il s’agit de la consolidation des acquis, le renforcement des relations entre les organisations, le développement des capacités et l’adoption d’une stratégie effective de sensibilisation/éducation et de plaidoyer. C’est pourquoi, il y a eu plusieurs panels de discussions qui ont permis aux acteurs de présenter leurs travaux, échanger leurs expériences, discuter des aspects psychologiques de l’esclave (une dimension importante souvent oubliée ou négligée) et réfléchir sur les défis et perspectives. Outre cela, il y a eu des groupes de travail pour mieux approfondir les échanges et la réflexion. Surtout le plus important est la décision de publier un manuel qui va servir d’instrument d’éducation et sensibilisation, et de stratégie de plaidoyer auprès des gouvernements des pays du G5 Sahel.

Quel serait, selon vous, l’apport de cette rencontre régionale sur la lutte contre l’esclavage ?

L’apport de cette rencontre est multidimensionnel. C’est une approche innovatrice qui va donner l’opportunité aux organisations de renforcer leurs relations de travail, harmoniser leurs actions et rendre leur message plus cohérent pour un impact maximal, quasi impossible individuellement. Car les pratiques et les mentalités étant les mêmes dans ces Etats, une action concertée s’impose de la part des ONGs abolitionnistes si, toutefois, elles cherchent à gagner en efficacité. Par ailleurs, cette démarche va promouvoir une action collective qui va créer des relations de travail qui vont changer favorablement les rapports de forces sur le terrain.

D’aucuns soutiennent, particulièrement pour le cas de la Mauritanie, que les textes contre ce phénomène constituent des avancées mais le problème réside dans leur application. Qu’en dites-vous ?

En effet, cette caractérisation est tout à fait correcte. Dans le cas de la Mauritanie, il n’y a pas de problème de législation, mais plutôt celui de son application. Étant érigé en crime contre l’humanité, on ne peut pas aller au-delà de ce plafond sur l’échelle de la criminalisation. A cela il faut ajouter les tribunaux spécialisés et les insultions des droits de l’homme que l’Etat a créés. Cet arsenal est un pas que les défenseurs des droits l’homme apprécient. Mais il ne doit pas être considéré comme une fin en soi. Les lois n’ont de la valeur que lorsqu’elles sont appliquées pleinement et effectivement pour résoudre les problèmes qui ont motivé leur adoption. De même, les instituions n’ont de sens que lorsqu’elles fonctionnent proprement pour produire des résultats tangibles de manière à répondre aux attentes. Un aspect important qui mérite d’être signalé est que les intuitions en charge de lutter contre les violations des droits de l’homme ainsi que celles destinées à corriger les inégalités qui en résultent sont dirigées par des personnes issues de la même communauté, comme s’il n’y a pas de compétence ailleurs. Alors que parmi les communautés qu'elles sont sensées servir il y a des cadres qui, en plus de leurs qualifications professionnelles et leur intégrité morale, ont l’expérience du terrain pour diriger ces intuitions avec brio. Malheureusement, ce pattern est devenu tristement la norme. A cet égard, la sortie de la dernière promotion monocolore de l’ENA à laquelle le Président de la République a assisté est plus qu’édifiant.

La communauté soninké dont vous êtes issu est dans une situation pas enviable à cause des séquelles de l’esclavage ou l’esclavage coutumier (fracture sociale, discrimination, expropriation des terres de cultures, bagarres, destruction d’habitations…). Qu’est-ce qui arrive à cette communauté, jadis paisible, et quelles pistes de solutions proposez-vous pour qu’elle sorte de cette situation ?

Ton observation est tout à fait juste. La communauté Soninke est dans une position qui est loin d’être enviable à cause des discriminations qui y sévissent en raison des séquelles de l’esclavage et de la mentalité féodale. Partout dans le pays Soninke, nous assistons à une fracture sociale profonde ayant comme soubassement la mentalité féodale plongeant des populations dans des conflits qui menacent même leur existence. Le cas de Maimouna Cissokho qui a récemment fait l'objet de persécution dans le village de Diaguily pour avoir refusé des pratiques à connotation esclavagiste est un exemple qui met en exergue le caractère urgent de la situation. Ce qui arrive à cette communauté jadis paisible est que les injustices sociales et leurs corollaires d’inégalités ont toujours été présents. C’était une situation latente qui ne pouvait continuer sans remous. Au fur et à mesure que les choses évoluent, les hommes et femmes prennent conscience de leurs conditions et de la nécessité de prendre leur destin en main. Ce qui est tout à fait naturel et normal. Ceci doit être placé dans le contexte de la logique de l’évolution sociale. L’idéal aurait été de voir la société faire preuve de maturité en résolvant cette crise d’une manière constructive dans l'intérêt de tous. Le fait qu’une injustice ait existé des siècles ne peut aucunement justifier sa continuation. Et il ne doit pas être difficile pour toute personne raisonnable de comprendre pourquoi son semblable rejette toute forme de discrimination portant atteinte à sa dignité en tant personne humaine. Car personne n’accepte d’être traité comme un sous-humain. Il suffit de se mettre à la place des autres pour le comprendre. En fait, c'est la personne qui porte la plaie qui connait le degré de sa sévérité. Donc, faisons preuve d'empathie.



Par ailleurs, cette situation perdure pour deux raisons. Tout d’abord, l’inertie de la classe intellectuelle qui aurait pu jouer un rôle central dans la gestion de cette crise en préparant la communauté à répondre adéquatement aux mutations inévitables pour un nouveau paradigme social. Deuxièmement, dans les pays dans lesquels se développent ces crises, les autorités ont brillé par leur absence. Dans un Etat de droit, il est inconcevable que des actes de violence de la magnitude que nous avons connue, se passent sans que les autorités ne puissent intervenir d’une manière responsable pour établir la vérité et préserver la stabilité de la société.

En termes de pistes, les communautés doivent comprendre que « la roue de l’histoire tourne toujours en avant ». Pas de marche en arrière. Et qu’ils doivent comprendre que leurs intérêts sont inextricablement tissés ensemble. Par conséquent, nous devons accepter le changement et travailler constructivement ensemble pour bâtir une société qui donne non seulement les mêmes aspirations à tous, mais surtout, les mêmes opportunités d’épanouissement. Ceci ne peut se faire que dans la paix et la justice à travers le respect et la tolérance en vue de forger la confiance mutuelle nécessaire à toute interaction humaine constructive. Qu’on le veuille ou pas, nous sommes dans la même pirogue. Alors, pour arriver à destination, nous sommes condamnés à pagayer dans la même direction.

Alors je voudrais conclure en invitant tous ceux qui sont épris de justice et de liberté à méditer sur cette pensée de Président Abraham Lincoln, « Si l’esclavage n’est pas mauvais, rien n’est mauvais ». Ceci inclut toutes les formes d'esclavage ainsi que leurs séquelles. Ce combat nous interpelle tous, sans exception, et chacun a un rôle à y jouer.

Camara Seydi Moussa



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