[10/05/2020]    

L'éditorial: Quand les héritiers de Wagadu déraisonnent…



Notre propos à l’égard de la communauté soninké, l’héritière de l’une des plus belles histoires de l’humanité en Afrique - groupe auquel j’appartiens – relève, pour moi, de la séquence de l’émotion.
Voilà maintenant plus de cinq ans, que j’endure, sans recours ni trêve, un lynchage intracommunautaire dont la sordidité le dispute à l’infécondité.

Ici, s’opposent, à l’abri de la moindre médiation, les tenants du statu quo des hiérarchies anachroniques et les détracteurs de telles discriminatoires ; comme partout dans le monde, depuis que les humains ont inventé le désir d’équité et acquis l’usage de la mémoire, la conservation se défend des assauts du progrès et le sentiment de supériorité résiste aux exigences d’égalité.

Là, il n’est point question d’un échange courtois sous la supervision d’un arbitre que sa neutralité désigne à la confiance des deux parties mais d’une relecture passionnée de l’histoire, aux fins de s’en réapproprier les symboles, en les malmenant, s’il le faut. L’enjeu comporte sa part de rancœur et de violence, comme le révèle, sur la ligne de clivage « seigneur-sujet », la vivacité, parfois la brutalité concrète de la néo-contradiction parmi les Soninko.

Des voisinages harmonieux se muent en inimitiés, les regards s’évitent, l’insulte devient facile et, désormais, les coups pleuvent, quelquefois dans un sens inédit.
Les victimes de ce que l’on appelle complaisamment « séquelles de l’esclavage, se confrontent aux défenseurs de l’Ancien, toujours perpétué ; après y avoir sacrifié des siècles durant, elles perdent l’assurance, voire l’illusion, de vivre, encore, le temps de la justice, qui définit et alimente la faculté du supportable. A terme plus ou moins bref, nul ne se satisfait d’un contrat -fût-il sacré – où il cesserait d’espérer une compensation, un profit.

Ainsi, la frustration et sa soudaine part de lucidité régissent les révolutions et guerres de renversement et, dans le meilleur des romans, une action de réforme. En l’occurrence, le verbe du débat se caractérise par la diffamation, l’anathème et l’intimidation physique.
Malgré l’occasion d’apprendre et d’enseigner, peu d’acteurs et de témoins inclinent, jusqu’alors, aux vertus de la pédagogie et de la recherche. A cause de la démocratisation de l’accès aux gadgets de l’instantanéité, les praticiens des sciences humaines et sociales, les sages et les préposés au souvenir, perdent la voix ; au chapitre, l’on n’entend plus que le charivari populaire de l’accusation, de la réfutation et du procès d’intention, ceci selon la loi, lapidaire, du nombre.

De part et d’autre du litige, la rue parle haut et fort. Du quasi-monopole de la vox populi émerge et s’installe la légitimité du règlement de compte, sur la place publique, devant le juge mais aussi en privé, au hasard des rencontres. La préméditation de l’embuscade témoigne d’un passage qualitatif de l’adversité, du spontané à la délibération. Les ondes d’un conflit de basse intensité parcourent, à intervalle aléatoire, les hameaux, campements, villes, villages et quartiers où un Soninké en croise un autre. Aucun n’y échappe.

L’on assiste, souvent désolé, nauséeux ou passif par lassitude, à une confrontation des moins conventionnelles ; il convient de se le remémorer, le royaume de Wagadu n’a succombé ab intestat mais la descendance, convertie à l’Islam, préférait ignorer, oublier, gommer la fortune d’avant. De la, s’explique, peut-être, la propension des descendants de légataires immédiats, à abolir leur lien primitif et le débiter en lambeaux d’allégeance circonstancielle.

Il en résulte la facilité avec quoi l’injonction de l’adversité et le fantasme d’une différence non surmontable, substituent la discorde à la cohésion d’antan. Remise en question, révisionnisme, braquage mémoriel, tentative de déconstruction d’une fraude ou attente de réparation, l’identité Soninko se retrouve sommée de se départir de son vocabulaire initial. Certains de ses fils n’y puisent des motifs de prestige, une denrée immatérielle qui constitue l’un des ornements de l’existence à plusieurs.

Ce passé mal réparti les révolte et dégoûte ; il n’est plus le leur. Certes, à leur décharge, les rejetons du Wagadu d’hier ne s’imaginaient ressortissants d’un Etat unitaire, sous l’égide des principes normatifs, qui commandent le primat de la citoyenneté sur la fortuité de la naissance. Ils tenaient plutôt pour sain d’appartenir à un peuplement où chacun agirait à sa guise, suivant le savant équilibre entre subjectivité et conséquences de celle-ci. Bien entendu, le constat s’applique à n’importe laquelle des autres composantes de la Mauritanie plurielle.

Aujourd’hui, les langues se délient et le Soninkara semble dénudé. Des situations conflictuelles se créent et perdurent sur l’espace de l’Afrique de l’Ouest où la communauté s’étend, notamment la Gambie, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal…S’ensuivent des morts d’hommes, des privations d’habitation et de terres culturales. Et dans la honte, les enfants de Wagadu se dévoilent. Malgré les principes de pudeur, de devoir et de parole donnée qui singularisent ce code d’honneur, la vulgarité, le ressentiment et l’irrespect gagnent les esprits ; ce n’est plus qu’une mêlée informe.

Pourtant, à l’épuisement conjoint des ressources de la polémique et de la force brute, les deux lutteurs, confus, se rendront compte que le désir de justice et d’égalité finit par vaincre, hélas dans la douleur. L’évidence inéluctable de la prédiction recèle de quoi modérer la fureur à l’assaut de la cité imparfaite et adoucir, aux défenseurs de ses murs, la certitude de leur reddition.

Un proverbe Hassani le rappelle assez, « il est bien nu celui qui se cache sous les jours ». Les jours se suivent et renouvellent. Ils se ressemblent de moins en moins.

Camara Seydi Moussa

Mauritanie
Afrimac 2 s'investit pour booster l'entrepreunariat féminin


CULTURE

POLITIQUE

SOCIETE

ECONOMIE

SPORT

Image
Festival nomade culturel : hommage à feu Seymali O. Hemed Vall
Image
Voyage du Président Faye à Nouakchott, nouvel élan économique.

Image
Des mauritaniens parmi plusieurs naufragés découverts dans une embarcation sur les côtes brésiliennes
Image
10 pays les plus riches d’Afrique selon Henley&Partners

Selon le rapport 2024 sur la richesse en Afrique de Henley & Partners , le continent détient actuellement une richesse totale investissable de 2 500 milliards de dollars, et sa population millionnaire devrait augmenter de 65 % au cours des 10 prochaines années.
Image
Foot : Emir Abdou prolongé à la tête des Mourabitounes

INTERVIEWS

Image
Ramadan : engagement citoyen, rencontre avec Mountagha Adama Sall président de l’Association pour le défense de la voix des enfants en Mauritanie

Image
Abolir l’esclavage en Mauritanie

Conformément à la Déclaration Universelle des droits de l’Homme de 1948, des conventions internationales dénoncent et interdisent la mise en esclavage d’êtres humains. Elles sont ratifiées par l’ensemble des états de la planète. Pourtant il existe en dépit de ces traités des états qui pratiquent encore l’esclavage. La République Islamique de Mauritanie est régulièrement pointée du doigt pour cela. Pressenza a rencontré Diko Hanoune, président de l’Association des Haratines de Mauritanie en Europe.

Image
Le Grand Entretien du Blog | En exclusivité avec le géoscientifique M. Aleyda TRAORE


La rubrique Grand Entretien du Blog - ecrit-ose.blog (Le GEB) marque son entrée en 2024 avec une prolifique interview accordée par un natif de la région du Guidimagha mauritanien. En la personne de monsieur Aleyda TRAORE, un Masterien expérimenté en Géosciences et Ressources qui travaille en France depuis quelques années. Nos vifs remerciements à lui pour sa disponibilité qui aboutit à cet entretien d’une belle pointure.


Image
Interview: Mohamed Maouloud, président de l’UFP

M. Mohamed Maouloud, président de l’Union des Forces du Progrès (UFP) : ‘’Sur les 10 points de l’accord avec le ministère de l’Intérieur, seul celui relatif à la CENI a été appliqué’’

Image
BURKINA FASO : POURQUOI LE PRÉSIDENT DAMIBA SE REND AU MALI ET EN CÔTE D’IVOIRE ?

Pour sa première visite à l’étranger depuis sa prise de pouvoir en janvier, le chef de l’État burkinabé, Paul-Henri Sandaogo Damiba, s’est rendu ce samedi au Mali avant de s’envoler lundi pour la Côte d’Ivoire. Au menu : coopération sécuritaire et réconciliation nationale, explique Windata Zongo, membre du Centre africain d’analyses et de recherches diplomatiques et stratégiques.

Image
Questions à Bakary Tandia à La Nouvelle Expression


Bakary Tandia, est de Kaedi et Djeol. Il réside actuellement à New York, aux USA. Il est le Co-fondateur d’Abolition Institute, une organisation de défense des droits de l’homme se focalisant sur l’éradication de l’esclavage. Dans ce cadre, cette organisation travaille en collaboration avec SOS Esclaves et IRA dont Mr Bakary coordonne l’action aux USA. Ce militant dans l’âme est aussi le Secrétaire Général de Muritani Min Jejitta, une organisation dont la mission est l’application de la justice transitionnelle pour une solution juste, satisfaisante et définitive à la question du « passif humanitaire ». Notre invité a d’autres chapeaux…


FAITS DIVERS

Image

Italie : Une mafia sénégalaise démantelée

Image

Un mystérieux assassinat résolu grâce au concours d’un opérateur téléphonique

Image

Dafort: Un crocodile interrompt la pêche et fait des blessés

Image

Elle ferme ses prisons par manque de prisonniers

Image

Avis de recherche : il s’appelle Oumar Séga Touré et a disparu depuis trois jours

Copyright © 2014 La Nouvelle Expression. Tous droits réservés.