[25/06/2023]    

Déclaration des DÉPORTÉS mauritaniens au Sénégal à l'occasion de la journée mondiale du réfugié du 20 juin.



Mesdames, messieurs, honorables invités, représentants de l'État du Sénégal, représentants religieux, représentants de la presse et des médias, les déportés mauritaniens au Sénégal vous remercient d'avoir répondu à son invitation.

Les déportés mauritaniens du Sénégal urbains et ceux de la vallée du fleuve commémorent avec vous, en ce jour du 20 juin 2023, dans la Commune de Ndioum, la journée mondiale du réfugié. Nous saisissons ce moment combien symbolique, pour exprimer notre solidarité avec tous les millions de réfugiés victimes des conflits politiques, interethniques, tribaux, religieux et de déplacements forcés de population. Sans oublier tous ces hommes qui fuient , aux périls de leurs vies, la pauvreté qui sévit dans de nombreux pays du sud. C'est dans ce contexte dramatique que vous nous permettrez de rappeler la situation des déportés mauritaniens au Sénégal devenus des apatrides de jure depuis leurs déportations en 1989 car chassés de leur pays par leur propre gouvernement. Ces événements datant de 1989, au-delà des expulsions, sont la traduction brutale non seulement des tensions qui régulièrement troublent la cohabitation entre les populations noires et arabo- berbères de Mauritanie, mais aussi de voisinage souvent tendues entre cette dernière et ses voisins à savoir le Sénégal et le Mali. Le 9 avril 1989 , à la suite d'un incident banal entre éleveurs mauritaniens et cultivateurs sénégalais dans le village de Diawara (incident de Dounde Khore) qui avait fait un mort et 13 prisonniers du côté sénégalais, débuta une série de cruauté ponctuée par un rapatriement réciproque de citoyens des deux pays et concomitamment à cela des milliers de négro-mauritaniens seront expulsés de force du territoire mauritanien vers le Sénégal et le Mali. Exécutions sommaires, arrestations, viols, vols de biens et destruction de documents d'identification officiels ont précédé, accompagné et suivis ces expulsions. On compte parmi ces expulsés des fonctionnaires de l'administration, des intellectuels, des propriétaires terriens de la vallée du fleuve Sénégal, des pasteurs nomades. Telle est jusque-là la raison essentielle de notre Présence en tant que déportés mauritaniens au Sénégal. Nous en sommes à notre 34 ème année d'exil.

Aussi, faut-il rappeler à toute fin utile, que la célébration de cette journée mondiale du réfugiés que nous commémorons aujourd'hui, nous déportés mauritaniens, coïncide à quelques jours près, avec l'élection , au mois de mai 2023, d'une nouvelle assemblée nationale en Mauritanie. Une élection dénoncée, à travers une manifestation de grande ampleur, par l'essentiel des partis politiques de l'opposition du pays qui la remettent en cause, pour manque de transparence. Quant au Sénégal, la vie politique a fait l'objet récemment de vives tensions qui ont conduit à des manifestations d'une rare violence.
Les déportés mauritaniens au Sénégal sont convaincus que seules, la promotion de la démocratie,de la paix, de la sécurité et la stabilité notamment dans notre sous-région constituent les véritables garants d'une résolution appropriée de nos problèmes et du développement de nos pays.
Aussi, nous saisissons l'occasion que nous offre cette journée mondiale si symbolique pour les réfugiés, pour rappeler la situation difficile que vivent les déportés mauritaniens au Sénégal qui a déjà été, dans un passé récent, portée à la connaissance des autorités sénégalaises, du HCR, de la communauté internationale et des ongs.
Permettez nous de vous décliner ici la
situation des déportés mauritaniens au Sénégal. Celle-ci porte sur deux points essentiels :
I - leur situation administrative liée à l'obtention, à la valeur et à la validité des documents d'identification).
II - leurs conditions de vie liées au problème de logement, de santé et d'éducation.


i- la situation administrative
a) les réfugiés mauritaniens voudraient que les autorités sénégalaises et le HCR soient informés de l’expiration de leurs documents d’identification et de leur invalidité et ceci touche une part très importante de réfugiés. La durée de validité des cartes d'identité de réfugiés valant autorisation de séjour est, pour l’essentiel, périmées.
b) la non délivrance de titre de voyage conventionnel, bien qu'il existe une commission chargée de la délivrance dudit document. A cela, il faut ajouter la difficulté d'acquisition de documents administratifs comme le permis de conduire.
c) l'existence de réfugiés non recensés.
d) la non-reconnaissance de la carte de réfugiés, bien que le ministère de l'intérieur a émis une lettre-circulaire portant le No 004038 du 26/6/2015 demandant une meilleure vulgarisation de cette carte et son acceptation dans toutes les administrations notamment par les agents des forces de sécurité et des établissements bancaires ou financiers

II - les conditions de vie
a) Accumulation des arriérés de loyers
b) les problèmes liés à la promiscuité en raison des espaces d’habitats réduits
c) difficulté liée à l’accès aux soins de santé suite à l'échec de la mise en place d'une mutuelle de santé jugée trop chère.
d) la non prise en compte suivi des maladies chroniques et des handicapés.
e) l’absence de l'assistance sociale bien que l’écoute de la part des services sociaux en direction des intéressés est
quand bien même assurée f) éducation
- difficultés liées au remplacement de la bourse scolaire par une simple aide
- une diminution drastique des bourses de l'enseignement secondaire - Imposition de la nationalité sénégalaise aux élèves et étudiants réfugiés lors de leur passation aux examens et du retrait de leurs diplômes ; et ceci sans leur consentement et de celui de leurs parents.
- le retard de payement des bourses octroyées aux formations professionnelles portant préjudice aux bénéficiaires et impactant sur des familles vulnérables
- difficulté d'accès au stage et à l'emploi après la formation

À cet égard, Nous déportés mauritaniens au Sénégal demandons l'application rigoureuse de la convention et protocole relatifs au statut de réfugié. Nous demandons au haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés qui a pour mandat d'assurer la protection des réfugiés, de nous aider à la recherche d'une solution durable. Il faut préciser, à titre d'information, qu'il existe trois solutions durables que sont : le rapatriement volontaire, l'intégration locale ou la réinstallation dans un pays tiers.
Nous ne saurons clore ce présent paragraphe sans remercier chaleureusement toutes les bonnes volontés, pour leur constant plaidoyer en faveur des déportés mauritaniens. Au rang desquels, il faut citer l'honorable député Guy Marie Sagna qui a porté la question des réfugiés mauritaniens à l'assemblée nationale de la République du Sénégal en interpellant à ce propos son gouvernement . Nos remerciements vont aussi à l'avocat senegalais Maître Assane Dioma Ndiaye qui a saisi la cour de justice de la CEDEAO afin que les droits et la dignité des réfugiés mauritaniens soient respectés. Nous louons la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO) et le Centre Malick Gaye de Bopp qui ont toujours soutenu, appuyé et accompagné les déportés mauritaniens dans leur combat en quête de dignité. Nous n'oublions pas dans nos remerciements la presse et les médias sénégalaises qui ont toujours répondu présents à nos manifestations et à nos invitations. Elles représentent de véritables sentinelles de la démocratie sénégalaise, qui, il est vrai, connait des tensions. Toutefois, nous osons espérer qu'elle continuera toujours à être citée comme un exemple en Afrique. Par ailleurs, en ce mois de juin, une délégation des réfugiés mauritaniens au Sénégal a été reçue par le vénérable khalif général de la confrérie religieuse des Mourides, Serigne Mountakha Mbakhe qui s'est engagé à nous soutenir. Nous l'en remercions chaleureusement; et nous voyons dans ce noble acte du Khalif à l'adresse des déportés mauritaniens un bon présage.

Nous déportés mauritaniens au Sénégal, sommes solidaires avec nos concitoyens réfugiés mauritaniens expulsés au Mali ainsi qu'avec la coordination des rescapés mauritaniens victimes des évènements de 1989 et tous leurs ayants droits, veuves et orphelins . Car nous sommes tous victimes au même titre de ces événements. Malgré la tragédie que nous vivons, nous accordons toute notre confiance aux instruments juridiques internationaux protégeant les droits de l'homme . Et demandons, en toute humilité, leur application intégrale.
A ce propos, nous demandons à ce que les recommandations d'Alger de l'année 2000, de la commission africaines des droits de l'homme et des peuples (CADHP) adressées à la Mauritanie soient suivies d'effets et dans leur intégralité . Dans le même esprit, le comité des droits de l'homme des nations unies pour les droits de l'homme, dans le cadre de ses derniers examens périodiques universelles (EPU) recommande à la Mauritanie dans sa 11eme recommandation de mettre fin à l'impunité liés au événements de la périodes 1989-91. Une telle recommandation ne pourrait être satisfaite de façon appropriée que si l'État de Mauritanie lève l'amnistie votée, en 1993, par l'assemblée nationale du pays visant à mettre à l'abri tous les éléments des forces de défense et de sécurité impliqués dans les crimes commis dans la période 1989-91 susmentionnée.
A cet égard, il est bon de rappeler que l'invitation de la Mauritanie aux rapatriements de près de 20 000 déportés mauritaniens qui vivaient au Sénégal, entre janvier 2008 et mars 2012, dans le cadre d'un accord tripartite signé en novembre 2007, avec le Sénégal et le hcr, fait l'objet de nombreux manquements. Notamment, d'une part en ce qui concerne la restitution des biens et l'indemnisation des préjudices subis par les réfugiés lors des déportations ; et d'autre part, les manquements liés à l'émission "d'actes d'état civil et judiciaire auxquels les réfugiés auraient droit" , selon les dispositions de l'article 8 de l'Accord tripartite. l'Accord a prévu que les autorités mauritaniennes reconnaîtront que le formulaire de rapatriement vaut une pièce d'identité. D'ailleurs, nombre de rapatriés du Sénégal n'ont pu être réinstallés dans leurs villages d'origine, pour cause, ceux-ci avaient été vidés de leurs habitants lors des expulsions vers le Sénégal et ont simplement disparu. Plus de 400 villages mauritaniens de la vallée ont été ainsi rayés de la cartographie du pays. Nous tenons à insister sur le fait que, jusqu'à présent, l'accès des noirs mauritaniens aux documents d'état civil est un sujet qui divise les mauritaniens : les noirs sont souvent discriminés en la matière. Une discrimination qui prive nombre de noirs mauritaniens d'une égale protection de la loi pour tous les citoyens , en les privant de leurs droits civils et civiques . Ces manquements ont créé des doutes chez de nombreux déportés mauritaniens au Sénégal qui étaient candidats au retour et qui ont dû surseoir à leur rapatriement de. Les discriminations en Mauritanie constituent un danger réel pour la cohabitation entre ses différentes communautés dont le principal responsable est l'État mauritanien. Entre février 2023 et le 2 juin 2023 trois jeunes noirs répondant aux noms de Souvi Ould Jibril Ould Cheine, de Oumar Abdoulaye Diop vont décéder suite à leur détention dans des commissariats de Nouakchott, victimes de traitement inhumains dégradants, selon des témoignages. Ces morts suspectes de jeunes citoyens noirs mauritaniens fréquemment surveillés et traqués dans les quartiers populaires, a causé, de façon sporadique, des tensions voire des émeutes qui ont nécessité l'intervention musclée des forces de défense et de sécurité et la suspension momentanée des réseaux sociaux notamment d'internet. Rappelons, que lors de l'émeute faisant suite à la mort de Oumar Abdoulaye Diop : un jeune noir du nom de Mohamed Lemine ould Samba va succomber à ses blessures causées par des tirs à balles réelles provenant des forces de l'ordre mauritaniennes. D'autres jeunes noirs, dans un passé relativement récent, à l'instar de Lamine Mangane, Abasse Diallo, ont été aussi victimes de ces mêmes balles assassines. Par ailleurs, une des discriminations les plus néfastes qui touchent les noirs et directement liées à leurs conditions de vie notamment de subsistance, est la privation de leurs terres agricoles ancestrales, par des lois foncières iniques. Ceci au profit de l'agro-business maure et international issu essentiellement de pays arabes.
En tout cas, force sera de constater que la Mauritanie, jusqu'à preuve du contraire, n'a exprimé aucune intention politique de régler la question de ses concitoyens exilés de force par les autorités du pays .

Pour finir, nous vous remercions honorables invités pour votre attention. Nous souhaitons ardemment que la paix et la concorde règnent sur notre terre mère qui vit des moments difficiles et douloureux, pour ne citer, d'une part, que la guerre au Soudan et en Ukraine entraînant des milliers de morts et de population déplacée complètement désemparée; et d'autre part, les effets dévastateurs du changement climatique à l'échelle planétaire qui causent pratiquement les mêmes conséquences fâcheuses que les conflits.

De ce qui précède, nous appelons tous les mauritaniens vivant au pays et ceux de la Diaspora dont nous louons le courage, ceux épris de paix et de justice d'œuvrer pour une Mauritanie unie et réconciliée.

Honorables invités, les déportés mauritaniens au Sénégal vous réitèrent leurs remerciements.

Ndioum, le 20 juin 2023

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