« Dans l'IA, il n'y a que deux acteurs qui gagnent de l'argent : Nvidia et les consultants », soufflait récemment… un consultant en IA. Entre les deux, les éditeurs de chatbots d'intelligence artificielle, d'OpenAI à Meta en passant par Google, dépensent sans compter.
D'un côté, ces derniers achètent des puces à prix d'or (GPU) pour faire tourner leurs modèles. Et de l'autre, ils facturent très peu, voire pas du tout, car leur priorité est de toucher le plus de monde possible, pour ensuite espérer monétiser le tout.
C'est ainsi qu'Alphabet, la maison mère de Google, a annoncé mercredi, lors de la présentation de ses résultats financiers du deuxième trimestre, relever ses investissements en IA de 10 milliards de dollars pour 2025, portant son effort à 85 milliards. En 2024, le géant de la tech avait dépensé 52,5 milliards de dollars en capex, principalement pour son infrastructure : centres de données, serveurs et réseaux.
Le cas Windsurf
Si les dépenses en matériel étaient connues - rien qu'un processeur Nvidia H200 coûte environ 50.000 dollars - s'est ajoutée dans l'équation la course aux talents. Car ils sont rares : on ne forme pas un ingénieur ou un chercheur en IA en quelques semaines.
Certes, on ne parle pas ici de milliards mais de millions. Quoique : pour empêcher OpenAI d'acheter la pépite du code dopé à l'IA Windsurf, Google a déboursé 2,4 milliards pour chiper son patron, Douglas Chen, et des poids lourds de l'équipe de R&D.
Lors du deuxième trimestre, la directrice financière d'Alphabet, Anat Ashkenazi, a attribué l'augmentation de 16 % des dépenses en recherche et développement (hors Windsurf donc) aux hausses de salaires des employés les plus stratégiques, ceux évoluant dans l'IA, comme DeepMind.
La concurrence dépense également sans compter dans le matériel : 100 milliards annoncés chez Amazon cette année, 80 milliards chez Microsoft, et jusqu'à 72 milliards chez Meta. Mais de plus en plus aussi, dans l'humain. Mi-juin, l'entreprise de Mark Zuckerberg, décidée à faire son retard, a mis sur la table 100 millions de dollars « par employé » pour espérer attirer les meilleurs cerveaux d'OpenAI.
Offrir un gros chèque à des ingénieurs déjà riches n'aurait pas suffi ici, selon le PDG Sam Altman. « L'argent n'est pas le seul critère pris en compte par les chercheurs lorsqu'ils choisissent un lieu de travail […] ils veulent aussi être à la pointe du progrès », a plaidé le dirigeant d'Alphabet, Sundar Pichai, face aux analystes, non sans espérer les rassurer sur cette escalade des dépenses d'investissement.
A l'annonce des résultats d'Alphabet, le titre a baissé après la clôture (dans les négociations hors séance), avant de remonter, car le bilan reste bon. Au deuxième trimestre, le groupe a vu son chiffre d'affaires bondir de 14 % sur un an, à 96 milliards de dollars, dont il a dégagé 28,2 milliards de bénéfice net.
La division cloud, très regardée pour son rôle dans l'IA, a réalisé 13,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires et 2,83 milliards de résultat d'exploitation, dépassant même les prévisions des analystes.
Quid de la recherche en ligne ?
Du reste, les dernières innovations de Google en matière d'IA ont convaincu les observateurs, notamment son outil de création de vidéos Veo3, dont le réalisme a même surpris. Mais le marché regarde surtout le coeur du réacteur - le moteur de recherche - et sa capacité à composer avec l'IA.
En la matière, Google a décidé d'insérer des résumés d'articles générés par IA en haut des résultats de recherche (AI Overviews). Et selon Emarketer, il commencerait à en tirer de premiers résultats. Mais une autre étude, du Pew Research Center (que conteste Google) dit que cela fait chuter le taux de clic sur les liens, ce qui interroge le business model de la recherche qui fait vivre Google depuis 25 ans.
Jesse Cohen, analyste principal chez Investing.com, avertit dans une note que l'envolée des investissements se justifie si cela aide Google à maintenir son avantage dans les technologies émergentes, mais il s'inquiète sur la rentabilité à court terme, et le rythme de monétisation de l'IA.